Par Maître GREBILLE-ROMAND

Point d'actualité sur la garantie des vices cachés en matière de vente automobiles

La jurisprudence récente en droit routier apporte des clarifications concrètes sur la responsabilité des vendeurs et sur les droits des acheteurs en matière de vices cachés, notamment à travers quatre nouveaux arrêts de la Cour de cassation et de Cours d’appel.

Tout d’abord, il est utile de rappeler que pour qu’un vice soit considéré comme caché et la garantie mise en place, il faut remplir trois conditions :

_ le vice rend le véhicule impropre à son usage ou diminuant fortement l’usage

_ le vice doit être antérieur à la vente

_ le vice ne doit pas être apparent pour un profane lors de la vente.

Par ailleurs, la garantie des vices cachés ne peut s’actionner que dans les deux ans de la découverte du vice et dans le délai de 5 ans à compter de la vente.

Un premier arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 2024 (n°21-23.909), rappelle que le vendeur professionnel est présumé connaitre l’existence du vice caché. Les faits concernaient un contrat de location/vente d’un engin agricole ayant pris feu lors d’un ravitaillement en carburant. La Cour d'appel de Pau a alors jugé que la société venderesse était tenue responsable de ces dommages.

Cependant, la Cour de cassation a censuré cette décision en rappelant la présomption de connaissance du vice par le vendeur professionnel et en considérant que la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision dès lors qu’elle n’a pas recherché si la société venderesse se livrait de façon habituelle à la vente d’engins agricoles.

 

La Cour de cassation dit également que l’action en garantie des vices cachés n’est pas prescrite dès lors qu’elle peut être exercée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, dans un délai butoir de vingt ans, sur le fondement des articles 1648 et 2232 du Code civil.

 

Ainsi, l'affaire a été renvoyée devant la Cour d'appel pour réexamen.

 

Dans un autre arrêt rendu le 6 février 2024 par la Cour d’appel de Pau (n°22/01680), un particulier a fait l’acquisition d’un véhicule ayant ensuite présenté des problèmes au niveau de la boîte de vitesses. Le Tribunal judiciaire avait d’abord ordonné la résolution de la vente au profit de l’acheteur.

 

La Cour d'appel de Pau a infirmé cette décision sur motif que le véhicule avait été utilisé pendant près de 11 mois et avait parcouru près de 10 000 km sans qu’aucune plainte n’ait été adressée au vendeur ou à un autre professionnel.

 

Ainsi, une des conditions nécessaires à l’application de la garantie des vices cachés n’était pas remplie dès lors que le véhicule n’était pas rendu impropre à sa destination puisqu’aucun élément ne permettait d’établir que la boîte de vitesses était défectueuse au moment de la vente et ce pendant les 10 000 kms suivants.

 

Un troisième arrêt récent de la Cour d’appel de Paris, en date du 1er février 2024 (n°22/08063), soulève la question de la responsabilité du vendeur pour un accident survenu avant la vente du véhicule.

L’absence de traces d’accident récent et l’utilisation normale du véhicule par l’acheteur ont clairement fait ressortir pour la Cour, que c’est effectivement l’accident antérieur à la vente qui est à l’origine du vice actuel subit par l’acheteur.

Ainsi, la Cour d’appel a infirmé le jugement et annulé la vente du véhicule en ordonnant la restitution du prix à l’acheteur.

Enfin, le 6 février 2024, la Cour d’appel de Caen (n°21/01513) a eu l’occasion de statuer sur la modification frauduleuse d’un compteur kilométrique.

La Cour a considéré qu’il est compliqué pour un acheteur non-professionnel de savoir si le compteur avait été modifié, le vice n’étant donc pas considéré comme apparent aux yeux d’un profane.

De plus, elle a conclu que ce vice était un élément déterminant du consentement des acheteurs, dès lors que le véhicule a été vendu à un prix inadapté en comparaison au nombre réel de kilomètres du véhicule. Ainsi, la Cour d’appel a déclaré recevable l’action sur le fondement de la garantie des vices cachés.

En somme, ces arrêts démontrent de manière concrète comment les juridictions font une application au cas par cas de la garantie des vices cachés en droit routier, venant ainsi clarifier les obligations des vendeurs et protéger l’intérêt des acquéreurs.