Par Maître GREBILLE-ROMAND
Si les risques encourus en cas de conduite sous stupéfiants sont connus de tous ceux qui ont passé leur permis de conduire, et ont par ailleurs fait l’objet d’une chronique récente, se pose à ce jour la conduite sous CBD.
Pour rappel, cette substance légale dérivée du cannabis est censée apporter un effet apaisant à ses consommateurs mais sans les effets psychotropes. Le CBD peut être consommé de plusieurs façons, soit sublinguale, soit ingéré, soit cutanée sous forme d’huile et de crème, soit en inhalation.
Beaucoup de consommateur fume le CBD mais cela est déconseillé car il a été remarqué des traces de THC à la prise de sang beaucoup plus fréquentes que lors des autres utilisations.
En France, il est n’est pas interdit de conduire après avoir consommé du CBD, autrement ce produit ne serait pas mis en vente, sous réserve toutefois que son taux de THC soit inférieur ou égal à 0.3 %.
Le THC est en effet la substance active à effet psychotrope, dont la présence révélée lors d’un test salivaire ou sanguin lors d’un contrôle routier, constitue l’élément matériel de l’infraction de conduite sous stupéfiant.
Or, après consommation de CBD et notamment sous forme de cigarette, les recueils salivaires peuvent contenir des traces de THC, c’est à dire une substance classée comme stupéfiant. Un test salivaire peut détecter ce THC, peu importe la quantité consommée ou le délai écoulé depuis l'ingestion et le code pénal interdit de conduire avec dans le corps toute trace de stupéfiant.
Contrairement à la présence d’alcool dans le corps qui n’est punie qu’à partir de 0.25 mg par litre d’air expiré, et qui passe d’un taux contraventionnel à taux correctionnel à partir de 0.40 mg par litre d’air exprimé, il suffit d’une simple trace pour être dans l’interdiction punie par la loi.
La Cour de cassation a confirmé, dans un arrêt du 21 juin 2023, que toute trace de THC dans l'organisme constitue une infraction pour conduite sous l'emprise de stupéfiants, indépendamment de la dose absorbée ou des effets ressentis
En cas de test positif au THC, les sanctions incluent une suspension ou annulation de permis, une amende pouvant aller jusqu'à 4 500 euros, une peine d'emprisonnement pouvant atteindre deux ans et par voie de conséquence, la perte de 6 points sur le solde de son permis de conduire.
Il est important de noter que la durée de détection du THC varie selon le type de test : 4 à 6 heures dans la salive, 3 à 4 jours dans les urines pour un usage occasionnel, et jusqu'à 70 jours pour un usage régulier et que normalement, il n’y a pas de présence détectable du THC pour la consommation normale du CBD.
Cependant, en cas de consommation sous forme de cigarette, ou à haute fréquence, ou d’un CBD dont le taux de THC est supérieur à 0.3 %, cette trace de THC peut se détecter dans l’urine, salive ou sang.
L’infraction sera donc constatée et sanctionnée par les tribunaux comme pour une conduite sous cannabis.
Toutefois, une évolution jurisprudentielle est à noter depuis l’arrêt de la Cour d’Appel de RENNES du 26.03.24 qui a tranché de la manière suivante :
« aucun élément de la procédure ne vient contredire de façon formelle la version de M X selon laquelle il ne consommait déjà plus de cannabis depuis plusieurs années avant le contrôle. Le CBD n’est pas classé comme un produit stupéfiant, et en l’état de la législation, rien n’interdit à un consommateur de CBD, qui ne produit aucun effet psychotrope, de conduire. Aussi, en conduisant son véhicule le 22 août 2022, M X n'a aucune conscience de ce qu'il pouvait se voir reprocher un délit de conduite sous stupéfiant et qui s'exposait à être positif au cannabis dans le cadre d'un dépistage salivaire et d'une analyse de prélèvements salivaires. »
La Cour a ainsi estimé que malgré la présence de THC suite à une consommation de CBD, l’automobiliste n’ayant pas eu l’intention de consommer des stupéfiants, l’élément intentionnel de l’infraction pénale n’est pas constituée et la condamnation ne doit donc pas avoir lieu.
Il s’agit à ce jour d’une position relativement isolée de la Cour d’Appel, mais celle-ci se comprend dans sa logique, eu égard au statut légal finalement assez flou de la consommation du CBD.